Phil Tippett évoque Starewitch dans un documentaire diffusé sur Arte - mai 2018

   Phil Tippett, grand spécialiste des effets spéciaux, évoque Ladislas Starewitch dans un documentaire diffusé sur la chaîne de télévision sur Arte dans l'émission  "Tracks" du 18 mai 2018. Il est question de stop motion, de go motion et de Ray Harryhausen, Georges Lucas et Steven Spielberg.

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   L'émission est visible jusqu'au 19 octobre 2018 sur : https://www.arte.tv/fr/videos/078739-010-A/tracks/ 
   Le passage concernant Phil Tippett commence vers la quinzième minute (15'20), en voici le texte :

   C’est le docteur Frankenstein des dinosaures et compagnie, grâce à lui des monstres farfelus ont pu voir le jour pour la plus grande frayeur des spectateurs.

   Depuis quarante ans Phil Tippett tire les ficelles et règne sur le monde du stop motion, l’âge des cavernes des effets spéciaux à l’ère du trucage numérique.

   « Et non je ne suis pas un dinosaure, je suis toujours vivant. »

   Pour le petit père des dinosaures, tout commence en 1977 sur le tournage du premier Star Wars. A l’époque pour animer une créature on n’a que deux choix, le costume avec fermeture éclair ou l’animation image par image.

   L’expertise de Phil de cette technique vieille comme le cinéma le mène à animer les bestioles de Jurassic park, Starship Troopers, Twilight ou RoboCop.

   Si Phil en connaît un rayon sur les effets spéciaux, c’est qu’il est tombé dedans adolescent. 

   « Quand on bossait sur le premier Star Wars, George Lucas nous montrait les scènes sur lesquelles il voulait qu’on travaille. Pour la scène de la Cantina, George est venu à l’atelier et il a vu mes poupées pour les films en stop motion que je réalisais  ado, cela lui a donné l’idée de faire la scène des échecs intégralement en stop motion et c’était le début de notre collaboration. »

   La première fois que Phil Tippett a son nom au générique, c’est lui le réalisateur, il a quatorze ans et filme des petits courts métrages avec sa caméra super huit achetée avec ses économies. Très vite son goût pour les effets spéciaux tourne à l’obsession.

   Phil naît en 1951 à Berkeley en Californie. Pour ses six ans son père, artiste, l’emmène au cinéma, il se prend alors une grosse claque.

   « En 1957 j’ai découvert Le Septième voyage de Sinbad de Ray Harryhausen et ça m’a bouleversé. Je n’avais aucune idée de ce que je voyais, c’était magique. J’ai essayé de savoir comment c’était fait, je voyais bien que ce n’était pas un type dans un costume, les créatures se déplaçaient de façon très étrange, carrément magique. J’ai rencontré Ray Harryhausen vers quinze-seize ans. Ray ne m’a jamais vraiment révélé ses secrets alors, il était comme un magicien, il ne voulait pas révéler ses trucs. Finalement j’ai appris ces techniques dans un magazine qu’on trouvait à l’époque qui s’appelait « Famous Monsters of Filmland » et c’est là que j’ai appris la technique du stop motion. Depuis des années, ça remonte à l’animateur russe Ladislas Starewitch, les animateurs de stop motion essayent de donner un aspect flou aux personnages. Si tu tournes un film et que tu regardes ma main, il va y avoir un flou résiduel quand tu regardes image par image. En stop motion, toutes les images et toutes les pauses, tout est très clair et bien défini, ça donne un aspect magique mais ça éloigne aussi de la réalité. »

   Né à Moscou en 1882 Ladislas Starewitch découvre le cinéma en réalisant des films d’entomologie. Devant la difficulté de filmer des insectes vivants, il a l’idée d’utiliser des bestioles mortes et tourne en 1911 La Cigale et la fourmi. Exilé à Paris, Ladislas révolutionne le stop motion avec son souci du détail comme ici lorsque l’on peut voir l’animal respirer dans Le Roman de Renard, premier long métrage d’animation sonore au monde, réalisé en 1930.

   Il innove aussi en bougeant la marionnette pendant la prise de vue, devenant le pionnier du go motion.

   « Dans l’animation en stop motion, tu bouges tout image après image, après image, pause après pause, comme la sculpture. La go motion, c’est plus comme créer de la musique avec un ordinateur. »

   L’expertise de Tippett du go motion séduit les réalisateurs limités par les effets spéciaux de l’époque. Grâce à cette technique les mouvements des créatures paraissent plus fluides et vraisemblables.

   En 1992, Steven Spielberg fait appel au maestro pour donner vie à ses tyrannosaures. L’image de synthèse est en train de pointer le bout de son nez, au final le réalisateur de Jurassic Park choisira le digital mais confiera à Phil l’animation des dinosaures.

   Oscarisé deux fois pour Le Retour du Jedi et Jurassic Park, Phil Tippett prend même le tournant des trucages numériques en 1997 orchestrant le ballet belliqueux des colonies d’arachnides (Starship Troopers, Paul Verhoeven)

   « Après des années et des années à travailler pour Hollywood, à développer des projets dont un grand nombre étaient rejetés car pas assez commerciaux, je me suis dit « Allez au diable ! », je me suis lancé dans ce projet. »

    Fidèle à l’animation comme Pénélope à Ulysse, Tippett réalise, dans l’ombre depuis trente ans, l’œuvre de sa vie Mad God (premier épisode, 2014). Les deux premiers épisodes sont uniquement visibles sur la toile, le troisième, lui, est en cours de réalisation.

   « En grandissant j’ai été fasciné par le bizarre, l’étrange, les monstres, les créatures. Mon père était artiste et il avait une très belle collection de livres d’art. Un jour il m’a montré un livre sur Jérôme Bosch, dès ce moment j’ai su que je ferai un jour un film à la manière de Jérôme Bosch.»

   (Merci à Sonia pour cette information)

 

   Cette dernière allusion à Jérôme Bosch renvoie bien évidemment à tous les fonds culturels qui ont nourri l'imaginaire de L. Starewitch et d'autres grands réalisateurs comme l'a très bien montré l'exposition de 2014-2015 "METAMORPHOSIS FANTASY VISIONS in Starewitch,  Švankmajer and the Quay Brothers" organisée à Barcelone et à Madrid.
   Nous reviendrons plus longuement sur l'importance de L. Starewitch dans la conception de certains effets spéciaux et de la place de ces effets spéciaux dans son cinéma lors de la sortie prochaine du DVD "La Petite Chanteuse" qui réunira trois films des années 1920 : La Petite Chanteuse des rues, La Petite Parade et L'Horloge magique. Sortie prévue d'ici la fin de l'année 2018. Dès maintenant l'étude très intéressante des effets spéciaux dans L'Horloge magique menée par Maria Belodubrovskaya est disponible.

 

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