Blink Blank, n°9, 2024 – Compte rendu de nos deux derniers livres, et autres nouvelles de L. Starewitch.

   Dans le numéro 9, paru au printemps 2024, de la revue Blink Blank, Ladislas Starewitch est présent en deux occasions.
    Il est à l’honneur dans le compte rendu que Jacques Kermabon propose (p. 157) de trois livres qui viennent de lui être consacrés, et il est mentionné (p. 24) dans un article de Dick Tomasovic Animal, mon beau reflet – Aux racines du zoomorphisme.

 

 

Ladislas Starewitch à l’honneur – trois livres sur Starewitch
Blink Blank n°9 (printemps/été 2024) – p. 157
   « Loué soit le travail de Léona Béatrice Martin-Starewitch et François Martin, qui, depuis des années, s’attellent à faire revivre la production de Ladislas Starewitch (1882-1965), restaurant et diffusant les œuvres, mettant en valeur les archives non-films, créant un site dédié au réalisateur polonais né à Moscou et installé en France dans les années vingt.

   En comptant quelques réalisations inachevées, Starewitch a réalisé une centaine de films entre la Russie (64 entre 1909 et 1919) et la France. La Filmographie raisonnée que publie le couple Martin décrit cet ensemble en détails en scindant les périodes russe et française. Elle repose sur le dépouillement de multiples sources, les films quand ils existent, complets ou incomplets, retrouvés dans telle ou telle archive, et toute autre information écrite. Ces recoupements leur permettent d’affiner au mieux les données disponibles sans jamais omettre de signaler manques et incertitudes.

   La dernière partie de l’ouvrage, intitulée « historiographie et commentaires », compile et commente de manière chronologique les textes consacrés à la période russe, qu’ils émanent de Starewitch lui-même ou de nombreux exégètes qui se sont penchés sur son travail (revues, ouvrages spécifiques, histoires générales de cinéma, témoignages, correspondances, conférences).

   Le Vingtième Siècle de Ladislas Starewitch poursuit cette historiographie critique avec la même opiniâtreté à propos de la production française du cinéaste. On y mesure la dimension internationale de la renommée de ce maître incontestable de l’animation de marionnettes, le rôle d’Irène (1907-1992), sa fille aînée qui fut son assistante et demeura dans la maison de Fontenay-sous-Bois au milieu de copies et d’archives, les liens avec les institutions (la Cinémathèque française, les festivals), les hauts et les bas de sa notoriété dont quelques jalons notoires : un programme dans un festival à Chicago (1975), l’hommage de Jayne Pilling en 1983 au festival d’Edimbourg, publication à l’appui, l’ouvrage du polonais Władisław Jewsiewicki en 1989, Annecy en 1991 (projections, exposition, filmographie), festival de Catalunya en 2000 sous la houlette de Carolina López, commissaire ensuite d’une exposition à Barcelone, Metamorphosis (2014), qui mit en relation Starewitch avec Jan Švankmajer et les frères Quay.

   Le Mystère Starewitch s’inscrit dans cette lignée. Marion Poirson-Dechonne y relie l’œuvre à des racines et à des champs culturels. Par exemple la fantaisie, quoique difficile à cerner, a rapport avec la « modernité revendiquée au XIXè siècle à partir du romantisme » et s’inscrit dans la tradition de la fable et de ses dimensions anthropomorphiques. La figure du diable, repérable à la même époque chez Georges Méliès, est irriguée par sa forte présence dans des traditions russes de la fin du XIXè et du début du XXè siècle. La dimension carnavalesque, lue à travers les analyses de Mikhaïl Bakhtine, doit être complétée par le paganisme slave tel que décrit par Iouri Lotman et Boris Ouspenski et dans lequel le rire ne renvoie pas qu’à quelque chose de drôle, mais est en même temps effrayant.

   L’ouvrage de Poirson-Dechonne a ainsi le double mérite de partager des flots d’érudition et une connaissance de l’univers de Starewitch. »

Jacques Kermabon

    Nous avons un avis différent sur ce livre de Marion Poirson-Dechonne, Lire notre commentaire.

   Le même numéro 9 de la revue Blink Blank propose un article intitulé Animal, mon beau reflet – Aux racines du zoomorphisme, p. 21-25, dans lequel on peut lire à la page 24 :

   « Du côté européen, il faut se tourner en premier lieu vers le maître de l’animation en stop motion, Ladislas Starewitch, pour se laisser sidérer par la force de ses caricatures, prises en charge d’abord par ses stupéfiants insectes naturalisés (La Cigale et la Fourmi, en 1913), d’après la fable d’Ivan Krylov) puis par ses fameuses ciné-marionnettes (Les Grenouilles qui demandent un roi, en 1922, ou Le Rat des villes et le rat des champs, en 1926, d’après les fables de La Fontaine, cette fois). Le point culminant de ce travail est bien sûr atteint avec le long métrage Le Roman de Renard (1937) dont on sait combien il marque encore aujourd’hui l’histoire du cinéma d’animation, notamment au travers de son influence sur les fables animalières contemporaines de Wes Anderson (Fantastic Mr. Fox en 2009 et L’Île aux chiens en 2018)… »

Dick Tomasovic