La place de L. Starewitch dans l’histoire du Stop Motion et du cinéma – à propos d’un numéro spécial de  “La Septième obsession”, 2023, et d’articles de Dick Tomasovic

 

   Dans un numéro spécial de la revue La Septième obsession consacré au Stop Motion (n°49, nov-déc 2023) Dick Tomasovic publie un certain nombre d’articles sur différents réalisateurs dont Ladislas Starewitch qu’il présente comme une matrice de ce qu’est devenu ce type de cinéma au long du XXème siècle et après : « une des figures majeures de l’animation en volume, influençant de manière déterminante l’esthétique de ce type de films ainsi qu’une série d’artistes importants… ». Et comme une application de cette affirmation, son article sur Wes Anderson traite principalement de L. Starewitch dont D. Tomasovic voit constamment l’influence dans les deux longs métrages animés de W. Anderson.

À propos de Ladislas Starewitch, D. Tomasovic écrit :

   « PIONNIER DU STOP MOTION dès le début des années 1910, Ladislas Starewitch s’imposera comme l’une des figures majeures de l’animation en volume, influençant de manière déterminante l’esthétique de ce type de films ainsi qu’une série d’artistes importants, comme les animateurs du studio Aardman, Tim Burton ou encore Wes Anderson (qui lui rendra hommage dans FANTASTIC Mr. FOX en 2009). Ses films d’insectes et de poupées détermineront l’art de la « plastique animée », comme l’artiste aimait à définir sa pratique. […]

   … le jeune cinéaste va en quelque sorte s’autoformer en ne cessant de réaliser des films de plus en plus ambitieux. La technique du stop motion devait rapidement devenir sienne, puisque quelques mois après avoir reconstitué cette lutte des cerfs-volants, il en fait un remake, améliorant le tournage et introduisant un argument narratif percutant. LA BELLE LUCANIDE, 1912, raconte à la manière d’un conte humoristique la lutte des scarabées pour la conquête de la belle Hélène. Le film fut mis en circulation et aussitôt acclamé, avant d’être exporté hors de Russie. […] Le film suivant est encore plus stupéfiant. LA VENGEANCE DU CINÉ-OPÉRATEUR, 1912, met en scène des insectes divers naturalisés et articulés à l’aide d’un fil de fer, dans une improbable histoire d’adultère et de voyeurisme. Humanisés (ils ont une vie affective tourmentée, habitent de coquettes maisons, conduisent des voitures, et – formidable mise en abyme – réalisent et projettent eux-mêmes des films), ces insectes et animaux associés concrétisent à l’écran des siècles d’illustration d’animaux anthropomorphisés. Starewitch, avec une hallucinante capacité de travail, prolonge ses expériences narratives en s’inspirant de contes et de fables. […] LA CIGALE ET LA FOURMI, 1913, lui apporte une renommée internationale. Il enchaîne alors les projets de films d’animation et les œuvres en prises de vues réelles.

   Il alterne les fables animalières, ajoutant de la causticité aux récits d’Ésope ou de La Fontaine, et les contes plus poétiques qui font contraster moments réalistes en prises de vue réelles et séquences oniriques en animation. LES GRENOUILLES QUI DEMANDENT UN ROI, 1922, avec ses batraciens farceurs et ses arbres dotés d’yeux, LE RAT DES VILLES ET LE RAT DES CHAMPS, 1926, avec son animation si expressive et le sens du détail des décors et accessoires qui crédibilise chaque action des personnages (il faut voir le rat conduire sa voiture, un vrai bolide), ou encore LA REINE DES PAPILLONS, 1927, aux trucages ahurissants, où sa fille Nina se retrouve au centre d’un affrontement entre insectes et araignées, comptent parmi les joyaux de cette époque. […] LE ROMAN DE RENARD, […] finira de l’inscrire dans l’histoire de l’animation. Un temps oublié de manière incompréhensible, l’œuvre de Ladislas Starewitch a été très heureusement redécouverte et restaurée dans les années 1990. Par son ingéniosité et sa virtuosité, elle continue de subjuguer. » (Dick Tomasovic : “Starewitch, la plastique animée”, La Septième obsession, n°49, nov-déc 2023, p. 26-27). Lire le texte entier.

À propos du long métrage Le Roman de Renard, il ajoute :

   « Réalisé en 1929 mais exploité seulement en 1937 en Allemagne, puis, dans une nouvelle version, en 1941 en France, cet ambitieux long-métrage sonore est le chef-d’œuvre absolu de son auteur (coréalisé avec sa fille) et un jalon majeur de l’histoire du cinéma d’animation.

   […] de nombreuses scènes relatant les affres des animaux de la forêt, dans de sublimes décors réalistes, variant les échelles de plan (du plan général au très gros plan, sur la gueule du Roi lion par exemple), les éclairages (dont de superbes contre-jours) et les émotions. Les scènes d’action alternent avec les scènes plus bavardes, et les moments lyriques se doublent de moments humoristiques (la sérénade du chat Tibert, par exemple). Certaines séquences reprennent les codes de la comédie musicale en faisant chanter et danser les animaux de la forêt dans des tableaux qui n’ont rien à envier aux ensembles hollywoodiens. Starewitch fait preuve d’un indéniable sens du rythme et d’un véritable génie de la composition dramatique et picturale qui n’ignore rien de l’histoire et du langage du cinéma […].

   Aussi brillante que soit sa mise en scène, le film repose surtout sur la beauté de ses “ ciné-marionnettes” […] Hautes de plusieurs dizaines de centimètres, elles offrent au regard d’infinis détails, y compris dans la gestion des expressions faciales, qui continuent d’étonner et d’enchanter les spectateurs des décennies après sa réalisation. » Dick Tomasovic : “Le Roman de Renard (1937)”, La Septième Obsession, n°49, nov-déc 2023, p. 28-29). Lire le texte entier.

   Dans ces deux textes, D. Tomasovic fait l’impasse totale sur Fétiche Mascotte, et ce faisant sur Fétiche 33-12. Ce film n’est même pas cité dans les deux articles, c’est pourtant, dans toute l’œuvre de L. Starewitch, LE film de référence de réalisateurs aussi importants que les frères Quay ou Terry Gilliam notamment.

   Affirmant que L. Starewitch est « l’une des figures majeures de l’animation en volume, influençant de manière déterminante l’esthétique de ce type de films ainsi qu’une série d’artistes importants » D. Tomasovic reprend et poursuit l’analyse proposée il y a plusieurs années par Cédric Lépine à partir justement d’une analyse de Fétiche 33-12 dans un article intitulé “ Starewitch, père spirituel de Wes Anderson” :

   « […] Ladislas et Irène Starewitch font preuve d’une inventivité sans limite, hyper novatrice qui semble irriguer toute l’histoire de l’animation comme le terreau fertile d’une longue série d’expériences foisonnantes déplaçant sans cesse les limites de l’imagination. Si le scénario tient ici sur un mouchoir de poche, peu importe, car toutes ces séquences mettant en scène une pléthore de personnages animés offrent par elles-mêmes autant de joyaux de narration autonome dont le montage est un écrin.  Presqu’un siècle plus tard, la fantaisie animée de Wes Anderson dans Fantastic Mr. Fox (2009) et L'Île aux chiens (2018) célèbre avec bonheur la continuité logique des inventions plastiques initiées par Starewitch. » (Cédric Lépine : “Starewitch, père spirituel de Wes Anderson” publié sur le site Mediapart le 24 avril 2018. (Voir ici) )

   De fait nombreux sont les spectatrices et les spectateurs à établir cette relation…

   Et pourtant ! Pourtant, grande est la surprise en parcourant l’exposition consacrée à Wes Anderson dans les locaux de la Cinémathèque française du 19 mars au 27 juillet 2025. Produite par la Cinémathèque française (commissaire Matthieu Orléan) en collaboration avec le Design Museum de Londres (commissaires Lucia Savi et Johanna Agerman Ross) et en partenariat avec Wes Anderson et American Empirical Pictures, aucune allusion à L. et I. Starewitch dans toute l’exposition ! Alors que pour chaque film réalisé par W. Anderson les panneaux et cartons prennent le soin d’indiquer pour chaque film les réalisateurs qui ont été des références (par exemple Satyajit Ray pour À bord du Darjeeling Limited), dans les salles réservées à Fantastic Mr? Fox et L'Île aux chiens, aucune référence n'est faite à L. Starewitch qui brille ainsi par son absence ! Pourtant à la sortie de son film, W. Anderson lui-même présentait Le Roman de Renard comme sa référence pour Fantastic Mr. Fox (voir ici)  Amnésie, déni, falsification ???

   Cet article de D. Tomasovic consacré à Ladislas Starewitch, juste et intéressant dans le fond, n’apporte rien de nouveau à la connaissance du personnage ni de l’œuvre même si le réalisateur est à sa bonne place, un influenceur de longue durée. C’est de la vulgarisation qu’on aurait pu attendre plus approfondie ou plus ambitieuse de la part d’un universitaire, notamment en matière de bibliographie. Mais l’auteur a, semble-t-il, refusé de nous citer même s’il a de façon à peu près certaine utilisé nos différents travaux, au moins le DVD proposant Le Roman de Renard et Reineke Fuchs avec son dossier d’accompagnement (voir sa présentation). Cela lui aurait permis d’ajouter que L. Starewitch a réalisé tous ces films en Stop Motion quasiment SEUL, contrairement à tous ses successeurs et épigones. Ce travail solitaire (mise en scène, scénario, animation, prise de vue, éclairage, décors, souvent production…, voire le développement de rushes) relevant de la prouesse compte tenu de la qualité finale de l’animation, de la mise en scène… et du grand nombre de films réalisés. L. Starewitch est un artiste majeur du Stop Motion et son influence est immense, pour reprendre les termes de D. Tomasovic, certes, mais la réalité dépasse largement cette affirmation. Il est un « auteur » au sens de la critique parfois dogmatique née après la Seconde Guerre mondiale.

   L’article cité sur Le Romand de Renard commence par une confusion reprise dans la légende d’une photographie (p. 26), ce film est sorti en 1941. La date de 1937 correspond à la sortie de Reineke Fuchs en Allemagne. Le Roman de Renard est « une nouvelle version » de Reineke Fuchs comme l’indique le début de l’article. « Aussi brillante que soit sa mise en scène, le film repose avant tout sur la beauté de ses “ciné-marionnettes” comme les appelait Starewitch. »

   C’est ce que reprend largement l’article (p. 96-97), du même auteur et de la même revue, consacré à Wes Anderson… En effet, après avoir mis de côté les films avec vues réelles et ceux qui intègrent quelques scènes de Stop motion, en évoquant plus longuement Fantastic Mr. Fox et L’Île aux chiens, les deux films entièrement en Stop Motion, D. Tomasovic parle essentiellement de L. Starewitch (sur 46 lignes intitulées « Ciné-marionnettes », 16 traitent directement de ce réalisateur et 24 en filigrane). C’est comme si l’auteur voyait des images de L. Starewitch à travers les films de W. Anderson. Cela rappelle un des spectateurs du premier Festival Paradisio fin août 2019 assistant à la séance d’ouverture programmant Fétiche 33-12 de L. et I. Starewitch suivi d’Une partie de campagne de Jean Renoir. Le public voyait le film de L. et I. Starewitch pour la première fois et pourtant à la fin de la projection, ce spectateur a affirmé avoir déjà vu le film… Étonnement, discussions, et il s’est avéré qu’il confondait avec L’Étrange Noël de Monsieur Jack… À travers les images de Starewitch, il revoyait le film de Tim Burton et Henry Selick. C’est dire l’intensité de la relation entre les deux films dans son esprit. De fait H. Selick a déclaré avoir montré à l’ensemble de l’équipe tous les films possibles de Starewitch avant de commencer à réaliser L’Étrange Noël de Monsieur Jack, mais cela est absent de l’article “Henry Selick” signé Arthur Ségard (p. 62-65).

  De la même façon Le Roman de Renard a été projeté à toute l’équipe de tournage de W. Anderson avant la réalisation de Fantastic Mr. Fox comme en témoigne Félicie Haymoz qui a travaillé également sur L’Île aux Chiens :

   « … Quand je suis arrivée sur Fantastic Mr. Fox, beaucoup des membres de l’équipe venaient de finir Les Noces funèbres de Tim Burton (Corpse Bride, 2005), une animation très léchée. La production nous a alors montré Le Roman de Renard (1937 sic), chef d’œuvre de Ladislas et Irène Starewitch. On voit vraiment les trucages, les marionnettes ont des poils qui bougent avec l’animation ! Ça a alors été un choc pour tout le monde de se dire : « C’est donc ça que Wes veut ! » Je pense qu’il veut montrer l’artifice, il est fasciné par la technique même de l’animation. » (“Un métier : character designer, entretien avec Félicie Haymoz, BlinkBlank, n°1, janvier 2020, p. 132-136.)

   En passant, F. Haymoz souligne de façon très intéressante, le lien entre les équipes d’animation d’un réalisateur à l’autre, d’un film à l’autre… Déjà Henry Selick était directeur de l’animation de La Vie Aquatique, 2004, de W. Anderson (La Septième obsession, n°49, p. 63). Ce dernier réalise Coraline en 2009 où l’on retrouve évidemment la trace de L. Starewitch. Ainsi comprend-on bien comment se perpétue l’empreinte de L. Starewitch dans ces longs métrages bien postérieurs, à travers quels intermédiaires.
   On pourrait multiplier les exemples et revenir
sur ce jeune adolescent qui s’est écrié devant la vitrine présentant les arbres de Fleur de fougère, 1949 : « Le Seigneur des anneaux ! », lors d’une exposition de marionnettes au Musée d’Art Contemporain du Val de Marne (MACVAL), en 2014. Il retrouvait tout d’un coup les personnages de L. Starewitch à travers l’univers de Peter Jackson du début des années 1990.

   Ce qui est dit de L. Starewitch dans ce numéro spécial est donc juste mais loin d’être satisfaisant. Deux aspects sont à regretter dans cette publication de La Septième obsession : le découpage en articles qui chacun traite d’un réalisateur ou d’un « ensemble », les studios Fleisher et les frères Quay, qui, exceptée cette forte relation mentionnée entre L. Starewitch et W. Anderson et de rares allusions, laisse penser que chacun s’est développé indépendamment des autres, ce qui ne peut pas être le cas. Il y a des relations, des influences et/ou des correspondances : Starewitch en relation avec O’Brien, Tim Burton et Henry Selick, W. Anderson mais aussi bien d’autres ! Par exemple les articles concernant Jan Švankmajer et les frères Quay étant du même auteur que ceux sur L. Starewitch on aurait pu s’attendre à une mise en relation des trois univers comme l’a montré la formidable exposition “Metamorphosis, Fantasy Visions in Starewitch, Švankmajer and the Quay Brothers” qui s’est tenue à Barcelone et à Madrid en 2014 et 2015 conçue par Carolina López. Mais cette mise en relation est totalement absente de même que des influences sur bien d’autres réalisateurs en Tchécoslovaquie ou ailleurs comme le montre un de nos derniers livres parus (voir Léona Béatrice Martin-Starewitch & François Martin : Le vingtième siècle de Ladislas Starewitch – historiographie, L’Harmattan, 2023).

   Deux derniers exemples qui élargissent le champ d’études :
    Le Roi et l’oiseau, 1980, le fameux film de Paul Grimault commence par cette séquence dans laquelle l’oiseau s’adresse aux spectateurs en ces termes : « Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs (oh, pardon), l’histoire que nous avons l’honneur et le plaisir de vous conter est une histoire absolument véridique, parfaitement elle est véridique, elle m’est arrivée à moi, et à d’autres… ».  Or Le Roman de Renard, de L. et I. Starewitch commence par une séquence très comparable qui montre le singe s’adressant de la même façon aux spectateurs en leur disant : « Hommes, femmes, enfants, vieillards… l’histoire que je vais avoir l’honneur et le plaisir de vous raconter est la plus belle et la plus ancienne  histoire que nous connaissions… ». Et le singe se racle la gorge comme l’oiseau toussote. De la même façon dans Le Roi et l’oiseau, le mariage du Roi et de la Bergère est commenté par un radio reporter comme le duel entre le Renard et le Loup dans Le Roman de Renard. Hommages, références… ? Dans ces deux exemples Le Roi et l’oiseau reprend Le Roman de Renard
   De son côté, Richard Neupert écrit que la course latérale des paysans qui poursuivent le Renard dans Le Roman de Renard anticipe celle des paysans courant dans Les 7 samouraïs, 1954, d’Akira Kurosawa (Richard Neupert : French Animation History, Willey Blackwell, Chichester (RU), 2014, p. 61-72). Cette correspondance s’éloigne du cinéma d’animation et réintroduit L. Starewitch dans les films avec acteurs…
   Avec P. Grimault on quitte le Stop Motion pour le dessin animé, avec A. Kurosawa on quitte le cinéma d’“animation” pour prendre en compte LE cinéma.

   Ainsi faudrait-il écrire une autre histoire du cinéma d’animation en mettant en avant cette grande famille où tout le monde, ou presque, se connaît et où chacun, au moins beaucoup, entre en correspondance avec d’autres. Il y a des fils à tirer depuis le début du XXème siècle, plutôt que de juxtaposer des artistes de façon artificielle. La place de L. Starewitch serait encore plus grande comme le suggère notre livre déjà cité. Nous émettions le même regret en commentant le livre cité par D. Tomasovic en bibliographie : X. Kawa-Topor & Ph. Moins, Stop Motion. Un autre cinéma d’animation, Capricci, Paris, 2020 (lire ce commentaire).

   Il faudrait écrire aussi une nouvelle histoire du cinéma. C’est le second aspect regrettable de ce numéro de La Septième obsession, malgré son titre : le fait même de ne s’intéresser qu’à l’animation. C’est-à-dire que plusieurs réalisateurs présentés dans ce numéro intitulé “Stop Motion” sont aussi très présents dans les films en vues réelles, notamment dans ces films qui mêlent vues réelles, animation et trucages. C’est principalement parmi les réalisateurs présentés ici le cas de L. Starewitch et W. Anderson. Cette réalité occupe une part appréciable de l’article consacré au second. Mais il n’y a qu’une allusion à propos de L. Starewitch. Or ce dernier a, au final, réalisé plus de films en vues réelles que de films d'"animation”. Dès ses premiers films en vues réelles il a intégré des trucages, des effets spéciaux conçus grâce à cette technique de l’image par image dans le souci de privilégier l’effet visuel produit sur le spectateur (voir le DVD “La Période russe de Ladislas Starewitch” et l’article de Maria Belodubrovskaya). Il est un précurseur, peut-être le premier à avoir pratiqué ce mélange dans ses films réalisés à Moscou où il était très réputé pour sa capacité à trouver des solutions aux problèmes techniques sur lesquels butaient ses collègues réalisateurs. (D. Tomasovic a-t-il vu ces films de la période russe ?). D’où, par exemple, ce fameux trucage montrant Nina (en vues réelles) se débattant dans la main du monstre de la forêt joué par Bogdan Zoubovitch (autre réalisateur de films en Stop Motion) plusieurs années avant que Fay Wray ne se débatte dans la main de King Kong. Voilà pourtant une relation bien connue de ceux qui ont vu L’Horloge magique, 1928, et qui est totalement absente de l’article consacré, dans cette revue, à O’Brien et à King Kong, 1933, signé à nouveau par D. Tomasovic. C’est la porte ouverte aux trucages de Willis O’Brien et Ray Harryhausen qui connaissait les films de L. Starewitch et de biens d’autres réalisateurs ensuite. Pourtant ce dernier est souvent absent dans l’évocation de certains réalisateurs et de l’histoire des effets spéciaux :

   « Lorsque récemment, j’ai visionné les documentaires Ray Harryhausen Le Titan des effets spéciaux (2011) et Phil Tippett des rêves et des monstres (2019), je n’ai pu m’empêcher de ressentir une légère amertume. Non pas que le travail de ces deux célébrités sur l’animation en volume au cinéma et les effets spéciaux me rebute, bien au contraire. J’aime beaucoup le film Jason et les Argonautes (1963) et les films de science-fiction et fantastiques doivent énormément au second. Néanmoins, une petite déception pointa le bout de son nez, dans le fait que jamais Ladislas Starewitch (1882-1965) n’était mentionné. Pourtant, encore plus qu’aux deux premiers noms cités, Dieu sait que l’animation en volume, et en particulier celle des marionnettes, et le cinéma en général lui doivent plus encore.
   Ainsi, pour reprendre ce que disait l’un des intervenants du documentaire sur Ray Harryhausen : « Harryhausen est le père de la stop motion au cinéma, Willis O’Brien (animateur de la célèbre marionnette de King Kong) est son grand-père. » Je finirai la phrase en rajoutant : « Alors, Ladislas Starewitch est son arrière-grand-père. » Voir le site L’Arène d’Airain.

   Ce cinéma hybride est, de fait, de plus en plus répandu depuis quelques décennies et L. Starewitch en est un grand précurseur, sinon LE précurseur comme le suggère Denis Walgenwitz :
 

   « La particularité des films de Starewitch (et cet épisode de Fétiche Prestidigitateur ne déroge pas à la règle) tient à la manière dont il embrasse littéralement les possibilités techniques du cinéma pour en intégrer les différents aspects au cœur de ses récits. […] Ce qui frappe aujourd’hui, c’est sans doute sa position de précurseur dans un domaine qui a totalement envahi le cinéma, celui des images composites. » (D. Walgenwitz : “Fétiche prestidigitateur”, in du praxinoscope au cellulo, un demi-siècle de cinéma d’animation en France (1892-1948), CNC, 2007, p. 81.)

 

  Et c’est le dernier regret à la lecture de ce numéro spécial : pas un mot sur l’aspect technique du Stop Motion. Techniques dans lesquelles excellait L. Starewitch se montrant là aussi parfois précurseur comme pour le grattage et/ou le dessin directement sur la pellicule bien avant Norman McLaren ou bien le fameux flou de mouvement (blur motion) comme l’a déclaré Phil Tippett :

« Depuis des années, ça remonte à l’animateur russe Ladislas Starewitch, les animateurs de stop motion essayent de donner un aspect flou aux personnages. Si tu tournes un film et que tu regardes ma main, il va y avoir un flou résiduel quand tu regardes image par image. En stop motion, toutes les images et toutes les pauses, tout est très clair et bien défini, ça donne un aspect magique mais ça éloigne aussi de la réalité. » (Phil Tippett, dans l’émission "Tracks" du 18 mai 2018 diffusée sur la chaine Arte.)

 

   On pouvait donc en reprenant simplement quelques pistes évoquées ici, dire mieux sans être plus long dans ce numéro spécial.

                                                       François Martin, octobre 2025


 

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